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La vulgarisation culturelle : un gros mot ?

Ce que la vulgarisation peut nous apprendre

Dans le monde de la culture, certains mots font grincer des dents, comme... « Vulgarisation ».


(Musique dramatique)


Oui, ce terme fait peur, au point que j’ai à plusieurs reprises évité de dire que je faisais de la « vulgarisation historique » sur mes chaînes YouTube par peur de ne pas être prise au sérieux ! Pourtant, plus que jamais, la vulgarisation est absolument essentielle dans nos pratiques de transmission et doit être reconsidérée. Mais alors, pourquoi cette méfiance ? Et que peut-elle nous apprendre sur nos pratiques ?


"Nota Bene", peut-être le vulgarisateur historique le plus connu !
"Nota Bene", peut-être le vulgarisateur historique le plus connu !
« Vulgarisation », kézako ?

Dans l’imaginaire collectif, vulgariser c’est « simplifier », « abâtardir », une forme de trahison d’un contenu presque infantilisant auprès des non-initié·es. Pourtant, il suffit de lire sa définition sur Wikipédia pour comprendre sa réelle vocation : « cherche à mettre le savoir […] à portée d’un public non expert […] permettant au public d’accéder à la culture. »

Une belle mission, non ?

Vulgariser, on pourrait dire que ce n’est pas trahir le fond, mais plutôt adapter la forme. D’effectuer un travail de passeur, de traducteur, d’interprète. Une porte ouverte vers de nouvelles connaissances qui paraissaient jusqu’ici inaccessibles.

Et c’est une pratique très populaire : « C’est pas sorcier ! », vous connaissez sûrement ? Il s’agit de vulgarisation ! A la télévision, la vulgarisation scientifique a connu beaucoup de succès depuis les années 1960-1970. Et depuis les années 2010, c’est YouTube qui a pris le relais avec la vulgarisation historique.


Les vulgarisateur·ices sur YouTube

Nous pourrions dire qu’à la télévision déjà, la vulgarisation historique a commencé à prendre sa place avec l’émission « Secrets d’Histoire », animée par Stéphane Bern, très vite suivie par de nombreuses autres émissions. Le constat est sans appel : le public est au rendez-vous. C’est donc naturellement que le phénomène s’est transposé sur Internet : les chaînes YouTube de vulgarisation se sont multipliées dans les années 2010, avec une véritable « ère » des vulgarisateurs et vulgarisatrices. Les chiffres parlent : 100 chaînes en 2018 et 150 en 2020 !

La plus connue reste la chaîne de Nota Bene, comptant aujourd’hui plus de 2 millions d’abonnés, mais aussi « Les revues du Monde », « C’est une autre Histoire », « Histony », « Thomas Laurent », … Impossible de faire la liste tant elle est longue !


Charlie Danger - "Les revues du Monde"
Charlie Danger - "Les revues du Monde"

La plupart sont indépendant·es, parfois regroupé·es en collectifs (Label Hérodote, Le Vortex), et de plus en plus construisent de véritables structures entrepreneuriales. D’abord seul·es dans la réalisation, les youtubeur·ses se sont professionnalisé·es avec les années, en construisant de véritables équipes de production. Et pour la vulgarisation historique, si l’on veut en vivre et publier régulièrement, cela devient vital ! Eh oui, désolée de vous décevoir, mais la plupart des grosses chaînes aujourd’hui s’entourent de rédacteur·ices pour leurs vidéos car cela demande beaucoup de travail et de temps.

Mais c’est aussi une bonne chose : cela permet d’avoir des personnes dédiées pour les recherches, voire des personnes spécialisées sur certains sujets.Cela permet de mettre la création au cœur de ce travail, car elle est tout aussi importante que le contenu. Plusieurs compétences sont mobilisées : recherche, prise de vue, son, montage, iconographie… (Vous comprenez maintenant pourquoi il est utile d’avoir une équipe ?)

Les historien·nes, jusqu’alors peu présent·es sur YouTube, investisse de plus en plus cet espace via ces chaînes (interviews, interventions, etc). Cela permet aussi de compenser l’aspect « passion » des youtubeurs, que l’on pourrait appeler des « professionnels-amateurs » (même si certain·es ont fait des études dans le domaine).


La vulgarisatrice Manon Bril a par exemple participé à l'émission "Faire l'Histoire" avec Patrick Boucheron
La vulgarisatrice Manon Bril a par exemple participé à l'émission "Faire l'Histoire" avec Patrick Boucheron
Médiation ou vulgarisation ?

Avec tous ces éléments, on pourrait se demander quelle est la différence avec la médiation culturelle ? Il faut véritablement considérer la vulgarisation sur internet comme une pratique culturelle à part entière, une manière différente de transmettre les savoirs par des passionné·es, pour des passionné·es. C’est la forme du discours qui est très importante : comment expliquer clairement, en étant fidèle au fond, mais tout en y ajoutant un aspect dynamique par la réalisation de la vidéo (écriture, montage, etc). La vulgarisation s’adresse à « un » public : c’est une transmission descendante. 

La médiation culturelle met au cœur de sa pratique le lien entre l’œuvre et le public : le médiateur·ice s’adapte à ce dernier et à ses échanges avec lui. La médiation se construit donc avec le public et le contenu s’adapte à ce dernier.

 

Une vocation à double tranchant 

La vulgarisation, comme vous l’avez constaté, est un format populaire et absolument merveilleux pour permettre à l’Histoire d’être accessible au plus grand nombre : on peut regarder une vidéo d’où on veut, et découvrir un sujet en une vingtaine de minutes, avec des formats très divers (enquête, explication chronologique, expérimentations…) et en lien avec une personnalité forte et attachante. Mais cette transmission a aussi ses failles : on doit s’adapter à la dynamique des réseaux sociaux, avec des sujets dont on sait qu’ils seront plus regardés que d’autres (les vues est un indicateur très franc à ce sujet) et surtout, il n’y a pas d’interaction directe. Les gens ne répondront à la vidéo qu’après sa publication : s’il y a des questions ou des débats, tout se fait via les commentaires. Ce qui entraîne souvent des « vous n’avez pas parlé de cela » ou « ce n’est pas adapté aux enfants » : remarques que l’on n’aura JAMAIS en médiation !

Il faut considérer la vulgarisation sur internet comme une porte ouverte vers de nombreux savoirs, qui paraissent moins élitistes grâce à des formats plus drôles et dynamiques. Ces chaînes offrent également une visibilité aux structures culturelles qui peuvent collaborer avec ces youtubeur·ses pour construire des vidéos ensemble.

Vous l’aurez compris, la vulgarisation n’est pas un vilain mot : c’est un très bel outil qu’il faut véritablement remettre en valeur dans nos pratiques pour construire des contenus plus accessibles !

 

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