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Photo du rédacteurCandice Maj

Pop culture au musée : communication ou valeur ajoutée ?

Saviez-vous que Guizmo des Gremlins et la chanteuse américaine Taylor Swift avaient un point commun ? Eh oui ! Les deux ont franchi les portes de musées pour devenir un sujet d’exposition à part entière ! Et avec elles·eux, ce sont des dizaines d’autres exemples de fruits de la pop culture qui franchissent le sacro-saint espace du musée.

Pourtant, l’intégration de sujets populaires n’a pas été une évidence. Alors, comment s’explique cette arrivée massive de la pop culture dans les musées ? Et est-ce toujours bien fait ?


Vue de l’exposition "Age of Classics” au Musée Saint-Raymond. Merci à Mathieu Sapin pour la photographie.


De la pop culture, il existe une centaine de définitions, plus ou moins élitistes. Ici, je reprends celle de Mathieu Scapin, assistant de conservation au Musée Saint-Raymond (Toulouse) que j’ai pu interviewer. Il est le « Monsieur Pop Culture » du musée qui rattache archéologie et médias populaires.

Il affirme : « Dans un ouvrage à paraître, Matthieu Soler et moi définissons la culture populaire comme « un ensemble d'œuvres de divertissement amplement diffusées qui sont à la fois le produit de codes culturels largement partagés et qui participent à leur édification et à leur redéfinition. »

Cette idée de pop culture au musée est récente dans une histoire des musées liée à l’éducation des masses.


How I met your museum : un long cheminement

Initiées par les cours européennes, puis par des connoisseur·se·s lors de salons, les collections d’art sont d’abord là pour l’étude personnelle et l’apparat. Elles sont alors vues uniquement par l’aristocratie et répondent à leur goût. Ce n’est qu’au siècle des Lumières que ces collections deviennent visibles (la galerie du Palais du Luxembourg ouvre à Paris en 1750, les Offices à Florence en 1767…). Les collections permanentes des musées se devaient alors d'être didactiques. Bourgeonnent alors les cabinets de curiosités pour éduquer la population.


Estampe de Ferrante Imperato, Cabinet d’histoire naturelle, 1599 © Université Paris Cité, republié par Gallica


Pour que change ce paradigme, il faut attendre Georges-Henri Rivière (1897-1985), pionnier

de la muséologie nouvelle qui prône un lieu ouvert au plus grand nombre : « De très nombreux musées [...] se présentent en effet comme les héritiers d’une longue tradition européenne, qui n’a servi jusqu’ici que les intérêts d’une minorité ».


Radio Gaga(s) : le soft-power comme moteur

Les sujets populaires entrent au musée avec le Musée des Arts et Traditions Populaires voulu

par Rivière et la naissance des éco-musées. On y expose alors des objets collectés par n’importe qui, tant qu’ils valorisent un savoir.

Une autre raison est le soft-power, notamment américain. Par la globalisation des contenus, tout le monde a déjà entendu de telle série ou de tel chanteur. C’est mathématique : plus il y a de gens qui connaissent un sujet, plus la fréquentation augmentera. Ainsi, Tintin a rassemblé quasiment 300'000 visiteurs à l’Atelier des Lumières en 2022, et outre-Manche, l’exposition du Victoria and Albert Museum ayant attiré le plus de visiteurs (1.5 million) était consacrée à David Bowie.


Affiche pour l’exposition "David Bowie is here" au Victoria and Albert Museum de Londres, 2013 © Google Arts and Culture


The Big Bang Theory : le sujet complexe démystifié…

Faire une exposition sur la pop culture sans réfléchir à un apport scientifique, ça ne répond qu’à des enjeux commerciaux. Au Muséum d’histoire naturelle d’Auxerre, l’exposition temporaire de janvier 2024 partait de science-fiction pour évoquer un sujet peu glamour : la génétique !


Vue de l’exposition "Anatomie comparée des espèces imaginaires", Muséum d’histoire naturelle d’Auxerre. Photographie : Candice Maj, janvier 2024


Dans cette exposition, Guizmo ou encore Alien ont été les moteurs pour une médiation

scientifique plus abordable et plus concrète. Par ce biais, la pop culture peut faire venir des personnes qui ne seraient pas entrées dans un musée mais parce qu’elles sont fans de Star Wars ou de James Bond, s’y rendent.


« [La pop culture] est aussi un moyen de faire venir un public qui ne vient pas au musée et de

montrer que le musée évolue dans un environnement social et culturel toujours d'actualité. »

Mathieu Scapin


Dans une médiation culturelle axée de plus en plus et à juste titre sur les publics éloignés, la pop culture peut être un moyen d’affirmer que le musée est à tous·tes.


Vue de l’exposition “Cathares. Toulouse dans la croisade” au Couvent des Jacobins de Toulouse, juillet 2024. Merci à Solène Jamet pour la photographie.


Préparez votre pâte… : to do list (subjective) pour s’emparer de la pop culture

  • Une exposition pour être tendance, vous ne ferez pas : réfléchissez à un sujet pertinent et

    étayez avec la pop culture ;

  • Un public cible, vous choisirez : est-ce le fan numéro 1 d’X-Files ? Ou la mère d’un

    enfant accro aux Lego© ? En fonction, pensez votre discours ;

  • Pour un crétin, votre public, vous ne prendrez pas : une expo pour l’appât du gain, ça se

    voit ! Optez pour des dispositifs éclairants et interrogez ce que vous dites ;

  • Votre public, vous n’abrutirez pas : ce n’est pas parce que Taylor Swift est connue que

    votre visiteur·se va vouloir tout savoir d’elle. Resserrez votre sujet ;

  • Sur des spécialistes, vous compterez : le V&A a décidé de faire appel à des fans de drag

    et de Taylor Swift pour « mieux comprendre leurs collections ». Sans aller jusque-là, demandez conseil à celleux qui connaissent le sujet.



Merci à Audrey Bardon, Cloé Chérasse, Sarah Do Vale, Solène Jamet, Charlotte Launay,

Anne-Pascale Marquet Seynhaeve, Jérôme Ramacker pour leurs recommandations

d’expositions qui sont venues alimenter cet article !

Un merci tout particulier à Mathieu Scapin du Musée Saint-Raymond qui a pris le temps de

répondre à mes questions. Ainsi qu’à Wendi Parsons du Museum of Arts and Design de New

York pour les ressources partagées.


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