Faire venir et revenir les visiteurs dans un lieu culturel est un challenge constant. Il faut connaître le potentiel de son institution sur le bout des doigts bien entendu, mais surtout réussir à entrer dans le quotidien de ses visiteurs, s’intéresser à eux, comprendre ce qui les fait vibrer autant que ce à quoi ils sont confrontés dans leur vie de tous les jours.
Nous ne parlerons pas ici des défis que chaque institution doit relever en interne pour renforcer l’engagement de ses visiteurs, mais des défis externes : ils sont légion !
Les défis externes de l'engagement dans les lieux culturels
Le défi le plus important, qui a connu une montée en puissance depuis l’avènement du numérique, est le celui du temps d’attention. Nous sommes sur-sollicités, noyés sous les informations, d’offres diverses, et, pour un lieu culturel, tirer son épingle du jeu demande une stratégie de communication bien cadrée. Elle demande aussi une très bonne connaissance du marché.
Pour bien comprendre où se situent les institutions culturelles relevant du patrimoine dans toutes les offres qui parviennent jusqu’à leurs cibles, prenons l’image des poupées russes.

Les poupées russes de l'engagement des publics - Arkhes
Ces “poupées russes” nous font prendre conscience de qui est la concurrence sur le plan du temps d’attention, mais nous montrent également avec quels secteurs il est impératif de travailler main dans la main ! Créer une offre de visite pour la “poupée” patrimoine, c’est logique ; pour celle des offres culturelles plus larges, cela se voit régulièrement ; pour celle du tourisme nous pensons assez rapidement à toute la communication d’offres de séjour ou “de destination” (celles avec les grands panneaux publicitaires dans le métro montrant le monument emblématique d’une région, par exemple). Pour ce qui est des offres liées aux loisirs, elles sont encore très minimes. Une piste à creuser ?
Tendances stratégiques actuelles
D’après moi, trois grandes familles de tendances semblent sortir du lot ces dernières années :
Les stratégies axées sur l’expérience et la personnalisation,
Celles très maîtrisées sur les différents canaux de diffusion web,
Et enfin celles liées au slow tourism et à la santé.
1/ Les stratégies axées sur l’expérience et la personnalisation de cette expérience notamment grâce au numérique
L’événementiel immersif connaît un développement fulgurant ces dernières années. Ce sont ces spectacles ou événements dans lesquels le public n’est plus seulement spectateur mais devient une part active du spectacle, il intervient, ou alors s’y trouve plongé, immergé physiquement. Certains ont la particularité de pouvoir circuler d’un monument à un autre comme celui de "La Belle et la Bête" qui sera présenté au Château du Plessis-Bourré (Maine-et-Loire) cet été, mais également au Château de Goulaine (Loire-Atlantique).
Affiche "La Belle et la Bête", Polaris Production
Les offres exclusives et les programmes interactifs permettent, quant à eux, de personnaliser l’expérience au sein d’un monument ou d’un regroupement de monuments. Le caractère exclusif parle de lui-même, la recherche de l’événement que le voisin n’aura pas suivi compte beaucoup pour une bonne part de la population.
Les programmes interactifs séduisent beaucoup les publics dits “jeunes” (attention à cette dénomination fourre-tout toutefois). Ils mêlent nouvelles technologies et ludique comme l’HistoPad (que l'on retrouve au Château de Fontainebleau), les magnets intelligents d’Ask Mona, etc. Sur cette question, nous attendons avec impatience les résultats du “CMN Numérique” qui devraient être finalisés l’année prochaine avec, entre autres, la création d’un escape game collaboratif et immersif au Château d’Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire).
HistoPad, Château de Fontainebleau. Photo Histovery
2/ Les stratégies très maîtrisées sur les différents canaux de diffusion web
La diffusion en direct sur YouTube ou les réseaux sociaux prend de l’ampleur. Ces événements en direct permettent de rencontrer sa communauté, d’échanger, de tester des formats ou des contenus et d’avoir le retour de ses publics en direct.
Les podcasts deviennent de plus en plus présents également. Je peux citer par exemple le podcast "Chefs-d’œuvre en réserve" de Paris Musées qui met en valeur des œuvres présentent dans les réserves, donne une visibilité accrue aux monuments concernés, tout en ne "divul-gâchant" pas la visite des collections exposées.
Photo Paris Musées
Les partenariats novateurs avec des marques font leur arrivée également dans le Patrimoine. Le dernier événement marquant en date étant le Live de Léna Situations au Louvre, mais vous avez également la série "À toute Berzingue" de Lorànt Deutsch sur YouTube et LinkedIn.
3/ Le slow tourism et le lien avec la santé, notamment la santé mentale
Le slow tourism n’est pas né pendant le Covid, il date plutôt de la fin des années 90, mais ces dernières années marquées par des rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) de plus en plus préoccupants ont permis à ce courant de prendre vraiment pied dans notre société.
Au-delà de la recherche d’accessibilité "douce" (train, vélo, marche à pied) et du respect de l’environnement, il s’agit vraiment de chercher une autre temporalité. Prendre le temps de venir, avoir du temps pour contempler sur place, chercher des espaces de contemplation pure.
C’est également le droit à la déconnexion et donc la recherche d’alternatives non numériques, ce qui demande un juste équilibre dans l’utilisation des outils de médiation.
De là, le pont avec le Care Museum est facile, et pour cela je vous renvoie à l’article d’Aube Lebel pour La Lucarne.
En conclusion
Tester, oser, s’amuser avec son public, quitter ce vernis de rigidité de l’institution qui n’a pas d’humour : cela ne décrédibilisera pas votre contenu ! Vous resterez toujours l’institution de référence pour les spécialistes de telle période ! Mais vous arriverez à créer un vrai lien, à créer cet engagement avec votre public parce qu’il y réagira très bien.
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